Vendredi 13

A chaque vendredi 13, je me demande si le verre sera à moitié plein ou vide. Pleine d’espoir, je me dis qu’il sera plein.

Mon accouchement a débuté un vendredi 13 mais il ne s’est terminé que le lendemain matin. Alors je suis toujours entre deux eaux.

Je ne sais pas si ce jour est un jour de chance.

Hier, déboulée de nulle part, une boule au ventre m’a enlevé ma joie depuis le matin. Je disais à mon chéri le soir, à quel point ça me mettait en rogne d’avoir cette enclume sur la poitrine, sans aucune raison apparente.

Elle a fini par passer vers 21h30 quand j’ai commencé à coudre pour ma Nina, une robe pleine d’amour, pour ses 4 ans et demi. Elle qui avait justement décidé de se manifester un vendredi 13, il y a 4 ans.

Puis il est descendu me voir, le visage pâle et le mot un peu brouillon ‘t’as entendu Mimi, il y a eu des attaques terroristes’. Non je n’ai pas entendu mon chéri, parce que je me coupe du monde tu le sais. robe
Mais là, c’était trop atroce pour que je reste dans ma bulle. Je n’ai pas réussi à reprendre mon ouvrage, j’ai envoyé frénétiquement des messages aux gens qui comptent, peu ou beaucoup plus, mais aux gens qui font ma vie si belle, si riche. Je me suis ainsi rendue compte que je n’avais pas tous les numéros …

Il y avait ma Sophie, saine et sauve mais coincée quelque part pas loin. Et ma Anne-Cha qui était en déplacement en Bretagne. Et les autres, qui m’ont rassurée au fil des minutes.

Les informations en boucle, pour apprendre de plus en plus d’horreurs. Hypnotisée par ces informations que je fuis d’habitude.

Je sais que j’ai de la chance, aujourd’hui et en général.

Alors j’ai pensé aux gens qui n’allaient pas le recevoir ce message ‘je vais bien, ne t’inquiète pas, je suis à la maison’. Il y en a des centaines, des milliers, qui ne l’ont pas reçu ce message, qui attendent encore, qui cherchent ceux qu’ils aiment.

Cette fois, je sais pourquoi elle est là mon enclume, mais j’aurais bien trop honte de m’en plaindre.

Je suis à la maison, je regarde ma Nina se dandiner dans son innocence, je me réjouis de pouvoir être là. Mais je ne peux m’empêcher de penser à toutes ces personnes qui ont perdu la vie hier, au cours d’une banale sortie du vendredi soir. Je pense aussi à toutes celles qui s’en sont sorties, sauves oui, mais pas saines ; marquées à vie par des atrocités dont personne ne devrait être le témoin.

Si vous me lisez depuis longtemps, vous savez qu’une des valeurs que je chéris par dessus tout, c’est la gentillesse. Ironie, hier c’était justement la journée de la gentillesse. Je ne comprends pas que la méchanceté ait sa place dans notre monde si compliqué. Je ne comprends pas en quoi il est difficile d’accepter son voisin comme il est, en quoi il est compliqué de laisser chacun vivre sa vie comme il l’entend, sans jugement, sans haine.

Souvent, je m’engueule avec mon mari parce qu’il relève les incivilités de tel ou tel mec croisé en voiture. Vous savez, le fameux duel d’accélérateur au feu rouge ‘je vais lui montrer à ce connard’, ça me rend totalement folle. Moi ce mec, je l’avais pas vu, et je m’en fiche totalement si il fait n’importe quoi, du moment qu’il ne met personne en danger. Si on crie dans la voiture, 99% du temps c’est à cause de ça ‘mais non je ne le laisse pas faire, si tout le monde laisse faire c’est l’anarchie’ ‘mais tu t’en fous tu passes ton chemin, et tu penses à ta super soirée’ ‘non je m’en fous pas …’ (blablabla x 2000 jusqu’à ce qu’on arrive à la maison). Bref, tout ça pour vous dire que je m’en fiche totalement de ce que les gens font, aiment, disent, mangent, écoutent, du moment qu’ils ne m’imposent en rien leurs goûts.

Une femme me sourit, je lui souris en retour. Quelqu’un me bouscule parce qu’il y a un peu de monde, je lui souris ‘ce n’est pas grave vous savez’. Asseyez-vous Madame, je descends bientôt. Je vous tiens la porte avec un grand sourire. Merci. Bonjour. Bonne journée et bon courage.

La base quoi.

Je me rends finalement compte que tout ça n’est pas une évidence pour tout le monde, et c’est bien le problème.

C’est bien joli d’être solidaire dans le malheur, mais si on commençait à l’être chaque jour, à chaque instant. Si on n’agressait pas les gens dès qu’on n’est pas d’accord. Si on se disait bonjour, merci, si on tendait la main à celui qui trébuche. Je dis ‘on’ mais je ne me sens pas concernée, je fais tout ça, je m’évertue à rendre le monde, du moins mon monde, plus beau.

Je suis Charlie, Je suis Paris. Commence déjà par être gentil.

love

11 commentaires sur “Vendredi 13

  1. Un commentaire qui arrive bien après…mais je ne peux m’empêcher de commenter…moi aussi, je prône la gentillesse, comme un mode vie, une attitude qui fait du bien à soi et aux autres. Lorsque je fais un petit geste gentil, non seulement cela ne me coûte pas, mais en plus je me sens tellement bien ensuite : je suis heureuse de voir un sourire fleurir sur le visage des gens, de sentir l’humanité et la solidarité affleurer dans ce monde où ces valeurs ne sont pas assez fortes. Je me sens proche des gens et utile, en étant aimable, serviable et polie. Si ce sont des faiblesses, m’en fous. Je continuerais. Je suis contente de savoir que d’autres pensent comme moi. Merci!

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